À 42 ans, la Cantilienne Maïram Guissé peut être fière de son parcours. Journaliste, auteure, et réalisatrice, elle sera en lecture /dédicace à la Médiathèque, le 15 novembre, lieu de ses premières amours littéraires, pour son dernier livre « Sous nos peaux »
Rencontre :
Café des mots : rencontre avec Maïram Guissé – samedi 15 novembre – 11h- Médiathèque
Entrée libre -02 35 36 95 95
LC : Vous avez grandi à Canteleu : en quoi vos racines ont-elles façonné votre regard de journaliste, productrice et d’auteure ?
Canteleu est la base de tout. J’ai grandi à la Cité Rose, j’y ai appris le sens de la débrouille, l’envie de créer et l’importance des liens avec les autres, malgré nos moyens limités. Cette énergie m’accompagne dans tous mes projets : mes documentaires, mes livres et mon regard de journaliste. Venir de ce milieu m’a donné des clés pour comprendre les quartiers populaires, et Canteleu reste au cœur de ma vie. Canteleu, c’est tout une énergie. Ce n’est pas une ville parfaite mais c’est une ville que j’aime et qui est présente dans tous mes projets.
Qu’est-ce qui vous attire dans les thématiques telles que la santé, l’éducation ou les quartiers populaires ?
Le fait d’avoir grandi dans un quartier populaire et d’avoir aimé y vivre, m’a permis de voir la réalité et J’aime raconter des histoires. Quand j’ai commencé le journalisme, j’aimais le reportage : être sur le terrain, raconter des sons, des odeurs, les gens. J’avais envie d’en raconter ce que moi j’en connaissais. Et les choses qui paraissent très ordinaires sont, pour moi, extraordinaires. Et c’est ça que j’avais envie de montrer aussi bien dans des sujets culturels ou sociétaux. Par exemple, l’éducation, la santé, tout est lié. On vit dans une société où la santé, l’éducation etc. sont des sujets qui nous touchent tous sans exception. C’était donc important de mettre cela au centre.
Vous publiez en octobre Sous nos peaux, de quoi parle-t-il ?
C’est une très grande lettre adressée à ma fille dans laquelle je lui présente huit femmes noires et métisses. Ce sont des histoires que j’avais envie de lui raconter car ce sont des femmes qu’elle peut croiser dans la rue, dans le bus, au marché etc. mais dont elle ne connaît pas les histoires car ce sont des histoires jugées « non exceptionnelles ». J’avais envie de raconter l’ordinaire. Ma fille est métisse franco-sénégalaise et c’est important de lui dire que les femmes qu’elle croise au quotidien, et qui ne sont pas forcément celles qui émergent à la télé, dans les magazines, sont toutes aussi importantes que les autres et qu’il faut apprendre à les regarder. Je lui raconte un bout d’histoire de ses femmes qui s’entremêlent. Et à travers ces femmes qui ont entre 22 et 67 ans, je lui raconte également un bout de mon histoire, de son histoire et de qu’est-ce que c’est que d’être une femme noire aujourd’hui.
Et qu’est-ce que c’est que d’être une femme noire aujourd’hui ?
Vaste sujet ! C’est très difficile de répondre à cette question comme ça. A travers le livre, on parle d’amour, de santé mentale, de sa place dans la société, de racisme et de collectif ; de comment le collectif peut nous construire. Ça mélange tout ça. Et il y a autant d’histoires que de femmes parce que nous sommes singulières. C’est important de le rappeler parce que même si nous sommes traversées par des choses communes, nous sommes, et je me répète, singulières.
Vous avez collaboré à un ouvrage collectif, « Le retour du roi Jibril », et vous travaillez aussi sur une BD. Comment choisissez-vous vos projets et vos collaborations ?
Le retour du roi de Jibril est un roman initié par Rachid Laïreche et Ramsès Kefi. Ils m’ont contactée pour me parler de ce projet collectif et j’ai tout de suite adhéré. J’aimais l’idée de parler de tendresse et d’amour, mais aussi l’idée d’écrire de la fiction. J’ai écrit deux contes sur des histoires de quartier à la portée de tous. Et ça rejoint Canteleu ! Parce que quand je pense à Canteleu, je pense à « ensemble ».
Avec « sous nos peaux », c’est une autre écriture, même si c’est du récit. J’ai d’abord hésité puis me suis lancée car c’était le bon moment pour le faire.
Mais quand je pars sur un projet, je suis mon instinct.
Avez-vous toujours voulu être auteure et journaliste ?
Très tôt, j’ai eu le goût des mots : les rédactions à l’école, les contes à la médiathèque de Canteleu, la lecture qui m’ouvrait d’autres mondes Avec les copines, on réinventait les paroles de rap, et en grandissant j’écrivais de façon plus personnelle. Pour le journalisme, ce sont les images de la guerre du Golfe qui m’ont marquée : je voulais comprendre, et les journalistes détenaient les réponses. C’est ainsi que le désir de devenir journaliste est né, même si cela me semblait inaccessible. J’ai fini par l’assumer en troisième année de fac.
Quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes Cantiliens qui rêvent de journalisme, d’écriture ou de cinéma ?
C’est un métier difficile comme beaucoup d’autres, mais il faut s’accrocher. Pour moi, on n’échoue jamais : on apprend. Mon mantra, c’est « tu n’as rien à perdre, alors tente ! ». Je crois que les grandes histoires sont souvent proches de nous, c’est pourquoi j’ai un vrai attachement à Canteleu et aux quartiers populaires, qui sont des mines d’histoires. On a tous quelque chose à raconter, et tout dépend de la façon dont on le fait. Alors je dirais aux jeunes de Canteleu : votre histoire et votre regard comptent.
Si vous deviez donner une image à l’ensemble de votre carrière, quelle serait-elle ?
Je dirais « constellation ». On ne fait jamais rien seul. Le collectif compte beaucoup, car chacun apporte sa pierre à l’édifice. Je trouve ça beau car notre salut passe par le collectif. Et comme dans une constellation, on s’entraide ; il y a quelque chose de circulaire. On est ensemble.